Allez, vite, vite, disait-elle !

C’était l’une de ses expressions favorites… Allez, vite, vite… L’urgence d’agir était son obsession. Elle ne pouvait supporter de rester inactive face aux situations de fragilités, de détresses, de pauvreté. Sa vie aura été menée à toute vitesse, ne se laissant guère de répit pour elle-même, hormis pour combattre la maladie, toute jeune contre la tuberculose et ces douze derniers mois contre ce foutu mal qui aura, cette fois, gagné la partie.

Françoise, c’était une énergie à fleur de vie, et aussi un regard aux couleurs d’azur qu’on n’oublie pas, pétillant et espiègle à la fois, avec une petite dose d’impertinence.

J’ai eu la chance de connaître cette grande dame, grâce à Loisirs Pluriel, au moment, ou avec Olivier et Geoffroy, heureusement coachés par notre cher Bernard (Vitre), nous lancions le projet de second centre Loisirs Pluriel, qui ouvrira ses portes en septembre 1997 à Saint-Brieuc.

Je me souviens très bien de cette rencontre à la première réunion d’information, où elle avait emmené avec elle, d’autres mamans, elles aussi désireuses de permettre à leur enfant « extraordinaire » de partager leurs jeux et leurs rires avec d’autres enfants de leur âge, et profiter, aussi, pour elles-mêmes d’un peu de temps, que l’on ne nommait pas encore le répit…

Lors de cette première rencontre, nous avons eu face à nous, jeunes « entreprenants » du social, pas certains de réussir ce pari d’un second centre, une femme convaincue qu’il n’y avait pas d’autres alternatives que la réussite de ce projet. Sa fougue aurait pu éveiller chez nous la peur de la concurrence et du leadership. Au contraire, elle m’a fait découvrir, à ce moment là, ce que je n’avais pas encore compris depuis le début de notre aventure : qu’un projet comme Loisirs Pluriel ne devait appartenir à personne, qu’il était d’abord la propriété du coeur et de l’intelligence des hommes et des femmes de bonne volonté, qu’il ne devait relever non pas de la bienfaisance mais de la normalité, non pas de la solidarité mais du droit, qu’il ne pouvait souffrir, au risque de mourrir, les querelles d’égo, qu’il ne devait pas faire le lit de la prétention orgueilleuse de ses dirigeants, qu’il ne devait pas attendre demain mais exister aujourd’hui…

C’est tout cela que tu m’as appris Françoise et je t’en remercie. Car à 25 ans, bien qu’épris du désir d’être utile aux autres, il est bon d’apprendre tout cela, dès le début et j’ai essayé de cultiver ces bons conseils, au fond de moi, en 25 ans d’engagement. C’est contraire aux règles de l’entrepreunariat, pour lesquelles se mettre habilement en avant est la règle des bons communicants, mais c’est tellement précieux pour tenir sur la durée et rester fidèle aux origines et valeurs fondatrices.

Nous étions réunis, ce matin, autour de toi, d’André ton cher mari, de Clément, Ludivine et Domitille, tes enfants, pour te dire un dernier au-revoir. Avec l’équipe des pionniers de Loisirs Pluriel de Saint-Brieuc : Haude, bien sûr, Mamichèle, Jean-Pierre et Jacqueline, Claudine, Emmanuelle, Sandra. D’autres étaient là par la pensée, bien sûr, Geoffroy, Olivier, Isabelle, Marie. D’autres t’attendent déjà là où tu vas, et je pense à Bernard en particulier.

Merci Françoise de ta confiance, de ton énergie, de ton engagement, tout au long de ces années. Merci de nous avoir confié ta Domitille, tant d’années, elle qui a égayé tant de nos moments de vie, et aujourd’hui, encore, lors de nos réveillons du nouvel an, qui fêtera ses 20 ans cette année.

Merci aussi d’avoir entraîné dans ton sillage, Haude, qui après avoir assuré la présidence de Loisirs Pluriel Saint-Brieuc, a veillé avec tant de dévouement, d’intelligence et d’abnégation aux destinées de la Fédération et sans qui, j’aurais souvent baissé les bras.

Si j’écris ces quelques mots ce soir, c’est pour toi, évidemment, pour te dire merci, mais c’est aussi pour faire en sorte de ne pas oublier tout ce que tu as apporté. Et ce que je dis de toi, ce soir, je pourrais le dire de tant d’autres papas ou mamans, qui ont donné tant d’eux même, au long de ces trente dernières années, dans tous ces lieux que nous avons eu l’audace, avec eux et grâce à eux, de faire naitre, qu’ils s’appellent Loisirs Pluriel, Cap’Ados, Changeons de Regard, Escapade, Passerelles ou Grandir Ensemble…

Faire mémoire de celles et ceux qui se sont battus avant nous, avec nous, ce n’est pas être nostalgique, c’est laisser ouvertes les vannes de la sève qui coule et se transmet aux fil des années et des générations d’acteurs. Garder vivante l’histoire de qui a été bâti, c’est la meilleure façon de rester humble et clairvoyant pour poursuivre le chemin dans le bon sens.

Merci Françoise et à bientôt.

Laurent